Blog officiel du recueil de nouvelles
"Les Contes et légendes de Vendée",
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pour le plaisir de prolonger et partager
la magie de cette aventure extraordinaire...



6 février 2011

Une petite nouvelle qui a traversé l'océan...

J'ai reçu cette semaine un message d'un lecteur du Quebec, avec en pièces jointes un petit texte sur le Refuge de Grasla que j'ai trouvé très émouvant.


Avec son accord, je vous laisse le découvrir...

---°°°---

Je suis dans la forêt de Grasla, la lumière qui traverse les branches inonde mon âme.

J’entends des murmures... On me parle... J’écoute et soudain je vois...

Je les vois, les assiégés Vendéens, qui vont et viennent dans les sentiers ombragés, vaquant à leurs affaires.

La vie ! On s’accroche ! Les enfants s’amusent et crient en se poursuivant les uns les autres. Quelqu’un fend du bois.

Une voix hurle un ordre à un bœuf récalcitrant qui tire un énorme tombereau...

Ce n’est pourtant qu’une tranquillité apparente puisque les guetteurs camouflés sur des plateformes dans le haut de certains arbres, sont inquiets : il savent que l’Ennemi est près, trop près... Il y a une large colonne de fumée noire qui s’élève à l’horizon.

Un autre village vient d’être anéanti, avec ses enfants, ses femmes, ses hommes, jeunes et vieux, unis dans une mort aussi horrible qu’inutile. Ils étaient vaincus, pourquoi cette tuerie ?

À travers la légère brume matinale, j’entends quelqu’un qui chante tout doucement.

Les roues du tombereau s’enfoncent dans un trou masqué par une épaisse couche de boue.

Deux douzaines de bras apparaissent autour du véhicule. On hurle, on rit, on pousse, on tombe dans la boue, on se relève, en riant de plus belle. Le tombereau sort lentement de son enlisement. Les naseaux du bœuf sont dilatés et écument comme une soufflerie de forge, il tire lui-aussi de toute ses forces.

Les roues du tombereau se retrouvent finalement sur un terrain solide, les gens s’écartent, le conducteur les remercie en brandissant son chapeau rond au dessus de sa tête.

Subitement je me retrouve dans une petite chapelle, à peine décorée, très simple. Assis sur un banc de bois, doux sous ma main, usé par tout ceux qui comme moi sont venus se recueillir là.

Je regarde les pierres blanches, montées sur les côté de la petite nef. J’entends les chants des oiseaux à l’extérieur, pendant qu’ici tout est silencieux, figé dans le temps... Gravés sur les pierres, je lis les innombrables noms de Vendéens qui sont morts, massacrés, parce qu’ils avaient des valeurs différentes de ces révolutionnaires sans-culottes qui étaient pourtant des frères, des Français, comme eux.

Je ne peux pas comprendre... Pourquoi ? POURQUOI ?

En lisant ces noms, je me retrouve en pensée devant une plaque de verre, dans un autre sanctuaire, non loin de là.

Sous la plaque de verre, il y a un document blanc où l’on peut lire de froides «directives administratives» expliquant comment se débarrasser plus rapidement des corps Vendéens empilés dans les charniers, en épandant de la chaux... Une lecture qui m’a ramenée à une autre époque, plus récente, où les nazis ont utilisé les même «techniques» pour disposer de corps encombrants, où là, il y a eu ce qu’on a appelé un «génocide».

En Vendée, ce mot n’existait pas encore à l’époque de ces événements funestes que l’on a «pardonnés mais pas oubliés». Certains n’osent pas encore le faire, mais je suis convaincu qu’il faut appeler les choses par leurs noms : ce qui s’est passé en Vendée, c’est un GÉNOCIDE.

Un léger bruit m’a ramené dans le présent, dans la chapelle. Cela provenait de derrière moi. Je me suis retourné juste à temps pour voir une grosse larme qui coulait sur le beau visage d’Anne D., assise sur le banc derrière moi.

Ça, je pouvais le comprendre.... Pour le reste... Je ne peux toujours pas.

Ce que je sais en tout cas c’est que mon cœur est resté là-bas, en Vendée, dans cette chapelle, il est tombé avec une larme, aux pieds d’une belle madone triste, dont le souvenir hante ma mémoire, certaines nuits où le sommeil me déserte.

Ces nuits-là, je me promène avec elle, à mes côtés, et sous la pleine lune, pour essayer de la consoler un peu, je la serre dans mes bras, dans la forêt de Grasla.

Laurier Côté
Trois-Rivières (Québec) Janvier 2011

2 commentaires:

  1. Je n'ai qu'un seul mot pour commenter cet hommage bouleversant aux Vendéens martyrs : RESPECT.

    Claudine H.

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  2. Très émouvant, très beau, il est des auteurs qui percent nos coeurs en quelques mots, Laurier Cotié en est un.

    Que c'est beau et vrai !

    ChP

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